La traque de Linnée
Les naturalistes amateurs de pétales épicés, de menthe folle, voire d'insectes fins pour les amateurs de pêche sont comblés dès qu'il est question de Linné. S'opposant à ceux qui classaient d'après la forme du tronc ou du cou ou encore de la force des mains, ce médecin botaniste, tard fécond, qui savait si bien déballer ses fiches à la vue d'une belle menthe (il les classait devant ses détracteurs sans se soucier des mythos), nous a appris, entre autres, où mettre les fougères en écartant les prêles fines. C'est grâce à lui que l'on sait distinguer, par exemple, le lin de la mousse, et la mousse des pétales. Il parlait volontiers de sa « traque » en se grattant le pif et en évitant les routes d'un Buffon qui, en sellant sa jument, le traitait de « fixiste ». Sa devise : « Ferme sur l'espèce ». Sa classification binomiale, parfois appelée les « noms des deux » a verrouillé l'école des systématiciens, lui valant bien des prix de botanique et l'affection de ses étudiantes, des « linnéennes » auxquelles il apprenait même à tapisser. C'était presque l'affection d'un père. Voilà pourquoi nous le fêtons aujourd'hui, lui qui fut aussi un grand expert en puces. Comme le reconnaît un éminent spécialiste : « Linné nous dépasse tous ! »

Grippe et pus
Un spécialiste de la grippe qui ne craint pas d'être pillé (c'est un spécialiste de Virbac* qui connaît toutes sortes de maux) vient de mettre un fascicule à la disposition du public avide de savoir s'il faut garder les rats confinés, chasser les lombrics de sa mâche, craindre les moustiques dans la lotte ou encore si leur bru risque d'être envahie de « chik ». Nous lui avons d'abord demandé, alors qu'il examinait des oiseaux des îles en tripotant nerveusement son bob, s'il fallait craindre l'effet des poux. « Absolument, mais aussi méfiez-vous des poneys qui s'affalent, des pythons forçant des lapins, des cobras qui grouillent, pressés par des poules qui pondent péniblement leurs oeufs, des mouches qui cessent d'être frêles, des canins qui se mettent à aimer le Porto. Méfiez-vous en voyant l'épervier au couchant. Vous manquez de bol, il ne s'agit pas de faucons. Évitez les foies de canard, et aussi les canards qui sentent le coca, les caniches qui sentent le moka, les poules à l'odeur de moisson, les loups proches de la transe, les aigles qui se dérobent. D'une façon générale, évitez le pus virulent. Bien qu'ayant examiné bien des biques en treize ans, j'ai trop tardé dans le métier et je ne satisfais ni l'élu ni l'écolo. Vous savez, nous, les vétos, on ne s'y connaît même plus en scarole, mais je peux quand même vous conseiller de bien noter tous les frelons et de scruter les luttes de canins. J'ai rencontré des archéologues venant d'étudier d'antiques oeufs de huit cents camps. Ils étaient pleins de merles fossiles qu'ils ont dû extraire à la douche. Voyez ! » a-t-il conclu en agitant une grosse boîte qui avait contenu plein de mil. Mais dans la mousse se sont mis à sauter des scorpions. D'abord, nous avons fort paniqué, puis nous l'avons quitté en arborant de drôles de bouilles.

* Laboratoire de produits vétérinaires. Virbac n'est pas un mot russe.

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